Il y a 20 ans, Tavio Ayao Tobias AMORIN était assassiné
Justice pour tous les martyrs du Togo assassinés
sous le régime du clan des GNASSINGBE !
Il y a 20 ans, le jeudi 23 juillet 1992, vers 21 heures, Tavio Ayawo AMORIN, était victime d’un attentat, au quartier Tokoin Gbonvié, à Lomé, un individu vida le chargeur d’un pistolet mitrailleur sur lui.
Grièvement blessé, il fut transporté au CHU de Tokoin, avant que la décision ne soit prise, face à la gravité de son cas et l’inexistence au Togo d’un plateau technique médical et de spécialistes pouvant le sauver, de l’évacuer sur un hôpital français, ce qui fut fait dès le surlendemain à travers un avion médicalisé spécialement affrété pour l’occasion.
Au moment de son assassinat, Tavio AMORIN était Premier secrétaire du Parti socialiste panafricain (PSP) ; membre fondateur du Mouvement patriotique du 5 octobre (MO5) ; Secrétaire général du COD II ; membre du Haut conseil de la République (HCR), organe transitoire issu de la Conférence nationale souveraine de juillet – août 1991 dont il était le président de la Commission politique et des droits de l’Homme ainsi que de la Commission spéciale chargée d’étudier et de faire adopter le nouveau projet de Constitution ; Secrétaire général du COD II.
A l’époque, cette tragédie mit en état de choc tout le Togo tant Tavio représentait pour le peuple togolais et tout spécialement sa jeunesse, un symbole d’engagement total dans le combat pour la démocratie.
C’est pourquoi le « Collectif Sauvons le Togo », a décidé de faire de la commémoration du 20e anniversaire de son assassinat, l’occasion d’une grande mobilisation contre l’impunité en organisant une « Semaine contre l’impunité ».
Mais, mesdames et messieurs, avant d’aller plus loin, il est important de revenir sur le contexte dans lequel survenait cet assassinat et les mobiles qui le soutendaient.
Le contexte :
L’attentat contre Tavio survenait au milieu de deux tragédies pour le peuple togolais :
— l’attentat de Soudou, le 5 mai 1992 lors duquel Marc ATIDEPE, un collègue de Tavio AMORIN au HCR, et trois autres démocrates étaient tués dans un guet-apens tendu par des militaires togolais dirigés par le Colonel Ernest GNASSINGBE, d’après les investigations faites par la mission spéciale d’enquête qui vint au Togo à cet effet ;
— les massacres de Fréau Jardin et de Bè des 25, 30 et 31 janvier 1993 à l’arrivée des députés français et allemands de la coopération Marcel DEBARGE et Helmut SCHAEFFER, venus au Togo pour tenter une médiation dans la crise togolaise entre les acteurs politiques de notre pays. Il convient de rappeler que ces massacres, survenus alors que se déroulait la seconde grève générale illimité exigeant la démission d’Eyadema, poussa à l’exode dans les pays voisins, surtout au Ghana et au Bénin, et au déplacement vers les villes de l’intérieur, plus de 600.000 habitants de la ville de Lomé et ses environs, entièrement traumatisés.
Si, avant ces tragédies, d’autres assassinats de masse avaient déjà eu lieu tout particulièrement depuis le soulèvement populaire du 5 octobre 1990, et auront encore lieu par la suite dans la longue marche sanglante dans laquelle évolue le peuple togolais depuis que l’assassinat du premier président démocratiquement élu, Sylvanus OLYMPIO, a été lâchement assassiné le 13 janvier 1963, force est de constater que ces tragédies des années 1992-1993 s’inscrivaient dans une stratégie sciemment planifiée par le dictateur Gnassingbé Eyadema de reconquérir, par une « Stratégie de la terreur », les prérogatives du pouvoir qui lui ont été enlevées depuis la Conférence nationale souveraine de juillet-août 1991.
Comme on le sait, ce fut à la suite de tout cela qu’il fut reconduit lors de l’élection présidentielle d’août 1993 où il manœuvra pour être le seul candidat et se fit ainsi aisément reconduire pour un nouveau mandat de 5 ans, ce que lui interdisaient précisément les décisions de la Conférence nationale sur la période de transition.
Le tour de passe-passe par lequel passa le dictateur Eyadema pour imposer son maintient sur la scène politique et électorale togolaise fut précisément l’assassinat de Tavio Ayao Tobias AMORIN.
En effet, notre valeureux combattant, qui s’était déjà fait remarquer par son savoir et ses brillantes interventions à la Conférence nationale souveraine, et au Haut Conseil de la République où il avait déjà été élu par ses collègues président de la Commission politique et des droits de l’Homme de cette assemblée se verra à nouveau porté par eux à la présidence de la Commission spéciale chargée d’étudier et de faire adopter le nouveau projet de Constitution qui sera plus tard adopté par référendum le 27 septembre 1992.
Pourquoi le régime RPT avait-il décidé de la liquidation physique de Tavio ?
C’est parce qu’il marquait son opposition farouche à tordre le cou aux décisions déjà prises depuis la Conférence nationale, interdisant à Eyadema d’être candidat aux échéances électorales à venir, pour lui permettre à nouveau d’être candidat.
On sait en effet qu’à cette même Conférence nationale, il faisait partie de ceux qui s’étaient battus pour la destitution d’Eyadema de ses fonctions de président de la République au vu des nombreux témoignages et rapports présentés sur les violations massives des droits de l’homme ainsi que le vol, la corruption et la gabegie dont son régime a été formellement reconnu avoir été coupable.
On comprend donc rétrospectivement que sa présence à la présidence de la Commission constitutionnelle spéciale ne pouvait que susciter de vives inquiétudes mais surtout une peur panique aux dignitaires du régime surtout à Eyadema lorsque, au soir du mercredi 22 juillet 1992, veille même du jour il sera victime de ce terrible attentat, il avait participé à une émission sur Radio Lomé, la radio nationale togolaise, au cours de laquelle, ensemble avec le regretté Me ZOTCHI, un autre membre de la même Commission constitutionnelle spéciale du HCR, ils avaient eu la charge de présenter à la population, le nouveau projet de Constitution dont cet organe législatif transitoire venait d’achever l’élaboration.
Au cours de cette émission, il marqua fermement, avec tout le panache, la fougue et la verve qu’on lui connaît, son opposition à toute idée de modification de ce nouveau projet de Constitution pour pouvoir permettre à Eyadema d’être à nouveau candidat aux échéances électorales à venir, expliquant notamment que, de fait, la loi portant Statut des Forces armées togolaises et les décisions de la Conférence nationale souveraine le lui interdisaient déjà.
On peut donc aisément déduire que c’est suite à cette émission que son sort fut scellé par les dignitaires du régime RPT qui décida de son élimination physique après avoir manifestement choisi de régler le sort de Tavio AMORIN, par la seule méthode qu’ils connaissent depuis leur prise du pouvoir : celle du coup de force, de l’assassinat politique comme ils n’ont jamais cessé de le faire pour nombre de citoyens depuis l’irruption violente de leur chef de file, Eyadema, dans la vie politique du Togo par l’assassinat d’OLYMPIO, le 13 janvier 1963 et sa prise du pouvoir politique le 14 avril 1967.
Dès le lendemain de cette émission, le 23 juillet 1992, Tavio AMORIN était mitraillé à bout portant, vers 21 heures, au quartier de Tokoin Gbonvié, à Lomé, où revenant de chez un parent, un individu faisant partie d’un groupe d’individus qui le suivait manifestement depuis longtemps, vida le chargeur d’un pistolet mitrailleur sur lui.
Selon le communiqué publié le 24 juillet par le gouvernement, les agresseurs ont abandonné sur les lieux de l’attentat « une carte professionnelle au nom de KAREWE Kossi, né en 1967 à Pya, préfecture de la Kozah, gardien de la paix en service à l’Ecole de Police en qualité de moniteur de sport, un pistolet mitrailleur de calibre 9mm, un revolver Smith and Wesson 357 magnum, trois chargeurs de P.M., un chargeur de pistolet mitrailleur, des munitions, deux grenades, deux bouchons allumeurs et une paire de menottes ».
Et comme si cela ne suffisait pas, et qu’il leur fallait avoir la certitude que Tavio AMORIN ne survivrait pas, un autre plan criminel et machiavélique fut concocté par ses assassins. Lors de son de son transfert de l’Hôpital de Tokoin à l’Aéroport International de Lomé-Tokoin où attendait l’avion spécial pour l’évacuer sur l’Hôpital St Antoine de Paris où il devait recevoir des soins intensifs, l’ambulance le transportant tomba mystérieusement en panne. Il fut alors transféré dans une autre ambulance faisant partie du cortège.
A son arrivée à Paris, sa famille devait constater qu’il portait au front, du côté droit, une blessure résultant vraisemblablement d’une arme blanche de l’avis de certains médecins.
Or, tous ceux qui avaient vu Tavio AMORIN après l’attentat affirment qu’il n’avait pas cette blessure lors de son admission et tout au long de son séjour à l’Hôpital de Lomé-Tokoin ainsi qu’à son départ pour l’aéroport ce jour-là.
La panne d’ambulance apparaît donc comme un sabotage délibérément planifié pour l’approcher et lui porter le coup de grâce avec une arme blanche vraisemblablement empoisonnée.
Le 26 juillet 1992, le lendemain de son admission à l’Hôpital St Antoine, on ne put que constater la mort de Tavio AMORIN.
Malgré la plainte déposée par la famille pour que toute la lumière soit faite sur cet assassinat, aucune suite favorable ne leur a jamais été donnée, ce qui pose avec acuité, la question de l’impunité se révélant ici encore avec force à nouveau.
C’est notamment le lieu de rappeler qu’il y a dix ans, à l’occasion de la commémoration du 10e anniversaire de cette tragédie, la famille adressa à Eyadema, un courrier dans lequel on peut lire notamment :
« Monsieur le Président, (…)
Notre constitution proclame en son article premier que la République Togolaise est un Etat de droit. Nous sommes fondés à attendre des autorités politiques qui exercent le pouvoir qu’elles prennent leurs responsabilités.
Nous ne comprenons pas pourquoi la justice n’a jamais pris l’initiative d’ouvrir, comme elle en a le pouvoir, le devoir, la procédure d’information afin de connaître de ce crime perpétré sur la personne d’un leader politique, de surcroît membre « d’une institution d’Etat, le Haut Conseil de la Ré publique, Parlement de Transition. (…)
Dans les tous prochains jours, nous allons déposer une plainte auprès du procureur de la République contre X pour tentative d’assassinat et assassinat. Nous nous porterons partie civile.
Nous osons croire que rien ni personne ne s’opposera à cette action car nous sommes déterminés à obtenir que justice soit rendue.
Nous entendons sentir le poids de vos fonctions dans notre légitime action de recherche de la vérité dans cette douloureuse affaire qui nous a. tant traumatisés. »
Depuis lors, rien n’a été entrepris pour retrouver les assassins de Tavio et les traduire devant les tribunaux ce qui pose la question de l’impunité par laquelle le régime RPT couvre ce crime comme il n’a jamais cessé de le faire et continue à le faire jusqu’aujourd’hui pour tous les autres.
Cynisme et hypocrisie :
C’est lorsque, après avoir commandité un coup d’Etat, pour se faire installer dans le fauteuil présidentiel laissé vacant par le décès de son père (crime imprescriptible au regard de la Constitution togolaise), et fait massacrer de 400 à 500 citoyens innocents et, plus de 1 000 selon la LTDH, Faure Essozimna GNASSINGBE s’est lancée dans une « guerre contre l’impunité » qui aurait normalement dû le conduire à se constituer lui-même comme justiciable tombant sous le coup de la législation pénale togolaise.
Or, tel ne fut pas le cas.
Certes, il y a eu l’opération CVJR qui, certes, a permis de faire de nouvelles révélations sur les crimes politiques, économiques et sociaux commis par le régime RPT mais, à l’heure du bilan, force est de constater que cette opération ne fut que de la poudre aux yeux destinée surtout à imposer l’idée d’une amnistie de Faure GNASSINGBE, dans la stratégie qu’il concocte pour être à nouveau candidat à l’élection présidentielle de 2015.
A preuve, les recommandations pertinentes faites par le Rapport qui a clôturé les travaux de la CVJR, notamment celle, cruciale, du retour à la constitution de 1992 comme moyen d’apaiser le climat sociopolitique togolais, sont restées lettres mortes jusqu’aujourd’hui.
Et il apparaît de plus en plus que, tout comme tous les rapports qui l’ont précédé, notamment ceux de la CNDH à propos des allégations de tortures sur les détenus ainsi que ceux de la Commission de vérification des faits de l’ONU (Mission Doudou Diène) et de la MOE, ce énième rapport est destiné à aller pourrir dans des tiroirs.
Le CST dit non à cette évolution que tente de nous imposer le régime de Faure GNASSINGBE.
Le combat du CST pour en finir avec une tradition d’impunité…
Et c’est pourquoi le CST a fait de la question du vrai combat contre l’impunité, un point important de sa plateforme car devant constituer un élément effectif de mesure de la décrispation de la situation sociopolitique togolaise avant que ne soit envisagée la tenue de toute échéance électorale au Togo.
En effet, le Collectif « SAUVONS LE TOGO » tient à faire constater que l’impunité qui couvre depuis 20 ans l’odieux assassinat de Tavio AMORIN s’est banalisée au Togo depuis qu’il y a près de 50 ans, feu Etienne GNASSINGBE Eyadema, s’était glorifié d’avoir assassiné, le 13 janvier 1963, Sylvanus OLYMPIO, le premier Président démocratiquement élu du Togo, le grand dirigeant nationaliste qui a conduit jusqu’à la victoire la lutte pour arracher au colonialisme français l’indépendance nationale du Togo, l’« Ablodé ! ».
Depuis lors, une tradition d’impunité s’est instaurée à la faveur du régime dictatorial du clan des GNASSINGBE qui détient toujours les rênes du pouvoir politique au Togo.
Depuis cet assassinat qui a été suivi par bien d’autres comme ceux de Laurent DJAGBA, assassiné en détention 1970 ; de Homère Aka ADOTE, assassiné en détention en 1985 ; de Marc ATIDEPE, assassiné lors de l’attentat de Soudou, le 5 mai 1992, et d’autres démocrates lâchement assassinés tout au long des 40 ans de règne du clan des GNASSINGBE initié par Eyadema. N’oublions pas aussi, les massacres de masse qui n’ont cessé d’endeuiller notre pays : les massacres de la Lagune de Bè, de Fréau jardin, les massacres à l’occasion des différentes échéances électorales notamment celles de 1993, 1994, 1998, 2003 et surtout le génocide de 2005 organisé par le régime RPT pour installer Faure Essozimna GNASSINGBE à la tête de l’Etat togolais, à la disparition de son père. Au total, le clan des GNASSINGBE n’aura cessé de faire régner sur le Togo un régime de terreur marqué par la multiplication d’assassinats extrajudiciaires qui ont fait plus de 10 000 morts au Togo.
C’est pourquoi, à l’occasion de la commémoration du 20e anniversaire de cet assassinat, le Collectif « SAUVONS LE TOGO » tient à réitérer son exigence de fond afin que soit mis fin au règne de l’impunité au Togo par :
— Le respect des droits de l’homme et le règlement de la question de l’impunité,
— la mise en œuvre effective du rapport de la CNDH sur la torture,
— la nécessité de l’assainissement de la situation sociopolitique au Togo,
— les réformes constitutionnelles et institutionnelles,
A cet effet, le « Collectif Sauvons le Togo », organise, à l’occasion de cette Semaine contre l’impunité au Togo, une série de manifestations pour que soit publiquement débattue cette question cruciale selon le programme ci-après :
Programme :
— Lundi 23 juillet 2012 : Conférence de presse
— Mardi 24 juillet 2012 :
- 9H – 11H : émission spéciale sur le 20e anniversaire de l’assassinat de Tavio AMORIN, synchronisée sur les radios Légende et Victoire ;
- 18H 30 : projection d’un film sur la vie de Tavio AMORIN à l’Ecole primaire catholique de Kokétimé ;
— Mercredi 25 juillet 2012, 17H 30 : veillée de prières et de témoignages à la mémoire de Tavio AMORIN et de tous les martyrs du Togo, à Tokoin Gbonvié ;
— Jeudi 26 juillet 2012, 15H : dépôt de gerbes à la mémoire des martyrs du Togo : Rond-point de Tokoin Trésor, Lagune de Hanoukopé (niveau ex Cinéma Le Togo), Place Fréau Jardin ;
— Vendredi 27 juillet 2012 :
- 9H : Tournoi de football coupe Tavio AMORIN, à l’Ecole primaire catholique de Kokétimé ;
- 19H-21H : concert de chansons d’artistes togolais en hommage à Tavio et aux martyrs du Togo, sur l’esplanade du Palais des Congrès, ancien siège du (HCR) ;
— Samedi 28 juillet 2012 :
- 9H : Marche contre l’impunité au Togo sur l’itinéraire : Tokoin-Gbonvié (départ), Rond-point Tokoin-Trésor, Avenue de la libération, Fréau Jardin, Avenue de la Marina, Restaurant Marrox, et rassemblement sur la tombe de Tavio AMORIN au Cimetière de la plage (arrivée).
- 13H 30 : Meeting contre l’impunité au Togo au Stade Oscar Anthony de Bèniglato ;
— Dimanche 29 juillet 2012, 11H : Messe d’action de grâce, à la mémoire de Tavio AMORIN et de tous les martyrs du Togo, en l’Eglise Notre-Dame de la Rédemption de Bè-Klikamé.
Non, à l’impunité : Justice pour Tavio AMORIN et tous les martyrs du Togo !
Peuple togolais, par ta foi, ton courage et tes sacrifices, la nation togolaise doit renaître ! »
Lomé, le 23 juillet 2012
Pour le Collectif, Le Coordinateur
Me Ata Messan Zeus AJAVON |
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